L’apprentissage de la langue

1/ les sonorités de la langue

La plupart des activités proposées aux élèves mettent en jeu compréhension et expression orales. Il est nécessaire de favoriser l'acquisition de ces compétences par la maîtrise les matériaux sonores de la langue. Des exercices de discrimination auditive et de production des sons font l'objet de séquences spécifiques.

L'élève doit reconnaître et reproduire différentes intonations de la langue, qui lui apportent des indices de compréhension et des moyens d'expression supplémentaires. Les phrases interrogatives, exclamatives ou injonctives sont identifiées comme telles par l'intonation, en complément des formes syntaxiques utilisées.

Sachant qu'une prononciation incorrecte est d'autant plus difficile à corriger qu'elle a été répétée, le maître doit s'efforcer d'exercer une correction phonétique “à chaud” sur les erreurs commises. De plus, des exercices spécifiques permettront l'identification sonore et le repérage de phonèmes.

C'est enfin dans la lecture que l'élève non-francophone rencontre souvent des obstacles qu'il ne peut surmonter s'il ne maîtise pas correctement les phonies de la langue. A la complexité des relations phonie-graphie, mettant la mémoire à rude contribution, vient souvent s'ajouter une perception ou une production erronée des phonèmes.

2/ le monde de l'écrit

Le passage à l'écrit constitue une étape déterminante dans le cursus scolaire de l'enfant.

Dans le domaine de la lecture, chaque élève de clin est un cas particulier :

- non-lecteur dans sa langue par son jeune âge

- non-lecteur dans sa langue par lacune de scolarisation

- lecteur ou débutant-lecteur dans sa langue, caractères latins

- lecteur ou débutant-lecteur dans sa langue, autres caractères

- lecteur ou débutant-lecteur dans sa langue, autre sens de lecture

La diversité des situations ne permet pas l'emploi d'une même méthode pour tous. Au mieux, les élèves fonctionnent par groupes de niveau. En premier lieu, la plupart des élèves utilisent le support écrit en complément ou en renfort des apprentissages langagiers faits à l'oral. Les thèmes abordés à l'écrit correspondent ainsi à ce qui a été appris en situation de communication orale. Dans un deuxième temps, j'utilise si besoin une méthode de lecture traditionnelle mais adaptée à l'enfant, complétée par une méthode naturelle basée sur la manipulation de documents réels en situation de vie.

La plupart des élèves arrivant en clin ont besoin d'apprendre notre graphisme, même ceux qui maîtrisent déjà les caractères latins. En effet, l'écriture cursive scolaire ( les “lettres rondes attachées”) et la réglure Seyès ne sont guère utilisées hors de France. De nombreux pays leur préfèrent les caractères script et une réglure à simple ou double lignage.

La plupart des séquences de langage sont prolongées par un travail écrit. D'abord parce que l'écrit étant un des attributs de l'école, la trace ainsi laissée rassure enfants et parents sur les missions de cette classe un peu particulière. Ensuite, le travail écrit permet, comme dans toute autre classe, de fixer les connaissances, d'en apprécier l'évolution et de les évaluer. Enfin parce que l'écrit est un outil de déconceptualisation, isolant les mots dans leur entité indépendamment des groupes de souffle pratiqués à l'oral. C'est donc un outil incontournable dans l'acquisition d'une langue.

3/ la syntaxe

Les premiers éléments linguistiques dont disposera l'élève doivent lui permettre de comprendre et d'émettre les messages qui relèvent de la première nécessité. Il s'agit du français d'urgence, correspondant aux premières situations de communication auxquelles il est confronté dans la vie quotidienne. Constitué de formes prêtes à l'emploi, d'éléments syntaxiques ( qui seront ensuite combinés par le biais d'exercices structuraux ) et d'éléments de vocabulaire, ce premier bagage permet à l'élève de répondre aux questions qui peuvent lui être posées dans la cour ou dans la rue ; il peut également exprimer un besoin ou une situation de détresse. La possibilité de se présenter donne aussi à l'élève un outil de socialisation, facteur dont dépend en grande partie son intégration future. Cette approche dite “communicative” privilégie le registre de langue standard et l'articulation de l'apprentissage de la langue autour de thèmes de vie familiers (voir plus loin “l'étude du lexique”).

Prolongeant cette première approche, l'accès au français courant consiste à décontextualiser les éléments linguistiques, à enrichir les structures apprises, à les modifier à partir de situations de communication. Celles-ci sont induites par des jeux de rôles et prolongées par des exercices structuraux, amenant l’élève à la substituer ou à transformer des syntagmes. Au fur et à mesure des progrès de l'élève, la méthode d'acquisition “en situation” s'efface pour donner à la langue un statut d'objet d’étude. L'élève manipule la syntaxe à l'oral et fixe les structures à l'aide d'exercices systématiques écrits, avec la finalité de les utiliser à des fins d'expression.

Parallèlement à ces apprentissages, l'élève accède au français scolaire, dans la perspective de son intégration dans une classe ordinaire. Il assimile les outils linguistiques propres à la pratique scolaire, comprend les consignes et manipule le métalangage. L'utilisation de manuels scolaires classiques permet d'accéder à cette langue particulière.

4/ le lexique

Le premier vocabulaire acquis par l'enfant dans le cadre du français d'urgence est manipulé au cours d'activités de communication dont les thèmes relèvent de ses premiers besoins. Ce vocabulaire explore en premier lieu l'univers quotidien, scolaire et familial de l'enfant. Manipulé à l'oral et fixé à l'écrit sur un répertoire individuel, ce lexique de base est rapidement élargi au contenu d'une liste présentée plus loin ( voir le dossier “contenus”).

Les travaux de l'élève destinés à lui faire assimiler la langue s'articulent autour de thèmes de vie. Chacun de ces thèmes induit un champ notionnel, constitué par l'ensemble de ses attributs : aspect, fonction, emploi, synonymes... Ces différents mots sont manipulés, triés selon différents critères lors de l'exploration du thème. Ils peuvent faire l'objet de recherches dans le dictionnaire et être inscrits dans le répertoire individuel de l’élève.

L'étude des champs morphologiques d'un mot permet à l'élève d'agrandir son lexique en ménageant sa mémoire. La formation de familles de mots en combinant les analogies et les préfixes/ suffixes lui permet d'accéder à plusieurs mots à partir d'un seul. Ne manquons pas l'occasion d'accroître le bagage des élèves quand l'occasion se présente !

Le travail sur les champs sémantiques s'avère plus complexe, car il met en jeu la dimension culturelle des mots, souvent utilisés dans des expressions. Leur étude permet d'accéder à la notion de niveau de langue, de sens propre/ sens figuré. Cet aspect n'est cependant pas à négliger car nombre de ces expressions sont couramment utilisées et ne peuvent être comprises par une simple combinaison de mots dans leur sens usuel.